Le projet visant à donner des droits au «beau-parent», y compris homosexuel, divise l'UMP.
Il y a maman et il y a Manou. Manou, c'est la deuxième mère - ou le «coparent» - qui élève l'enfant de sa compagne comme si c'était le sien. La décision d'avoir un bébé, les deux femmes l'ont prise ensemble, après douze ans de vie commune. La maman biologique, Emmanuelle Revolon, a donné naissance à sa petite fille il y a trois ans, après avoir effectué une insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD). Elle préside par ailleurs l'association Gaylib, mouvement associé à l'UMP, et milite pour les droits des familles dites «homoparentales».
L'avant-projet de loi sur le statut du tiers et l'autorité parentale, dévoilé lundi, constitue un premier pas dans la reconnaissance de ces familles. Jusqu'à présent, jamais les couples composés de deux personnes du même sexe n'avaient en effet été pris en compte dès l'élaboration d'un texte de loi. Le projet prévoit la possibilité de partager l'autorité parentale avec un tiers par simple voie conventionnelle avec homologation de la convention par un juge. Ce tiers pourrait aussi bien être un beau-parent qu'un grand-parent ou le coparent d'un couple homosexuel. Le texte divise l'UMP, la polémique étant symbolisée par les positions divergentes des deux ministres, Christine Boutin et Nadine Morano. La première a dénoncé une reconnaissance «de l'adoption par les couples homosexuels de façon détournée». «Une posture passéiste et idéologique», selon la seconde.
Pour l'heure, la compagne d'Emmanuelle ne bénéficie d'aucun statut particulier. Elle se promène avec une lettre d'autorisation signée par Emmanuelle dans sa poche au cas où on la questionne sur ses liens avec la fille de sa compagne lors de démarches administratives. «Nous avons également prévu une tutelle testamentaire pour que ma compagne puisse avoir la garde de ma fille si je décède», explique Emmanuelle.
Sécuriser le lien
Jean-Marc et Olivier, un autre couple homoparental, ont pris des dispositions similaires. Leurs deux garçons, dont Olivier est le père biologique, sont issus d'une gestation pour autrui, réalisée aux États-Unis avec une mère porteuse américaine. L'aîné, âgé de six ans, «nous considère tous les deux comme ses papas», raconte Jean-Marc. Il a également une «marraine», souvent présente à ses côtés, et rencontre sa mère biologique une à deux fois par an. «Nous n'avons pas de statut légal mais nous avons un statut social, revendique Jean-Marc, lié à Olivier par un Pacs et «second papa». Tous nos proches sont au courant de la situation. Nous sommes assimilés à un couple de parents “classiques” par la CAF, qui prend en compte nos deux revenus dans le calcul des allocations.» Il en va de même pour la comptabilité de la cantine . Le couple s'estime donc dans la situation de parents lambda, notamment à l'école où il s'est fait de nombreux amis parmi les parents d'élèves. Ce projet de loi pourrait sécuriser son lien avec les deux enfants, selon Jean-Marc. Mais ce dernier craint aussi qu'il «repousse de dix ans le débat sur l'adoption simple dans un couple homosexuel».
Pourtant, ce texte va sans doute plus loin qu'une simple tentative d'organiser la vie pratique des beaux-parents ou homoparents. Il pose des questions qui font débat sur les transformations de la famille. Le psychanalyste Jean-Pierre Winter met ainsi en garde contre «un changement profond des lois de la filiation». «La vie prive parfois un enfant de père ou de mère par accident, commente-t-il, mais ce n'est pas à la loi d'organiser cette privation. Cela transforme les enfants en champ d'expérience car il n'existe pas d'études sérieuses sur le devenir des enfants des familles homoparentales.» «Il serait plus pertinent d'accorder des droits d' “ éducateurs” aux personnes qui les élèvent que de les reconnaître comme parents», poursuit-il. La psychanalyste Caroline Thomson, elle, avance que «rien ne prouve que cette situation crée des déséquilibres chez l'enfant». L 'homoparentalité est un exemple poussé des problématiques des recompositions familiales, estime-t-elle. «Les rôles de père et de mère sont plus fluctuants, y compris dans les couples hétérosexuels. C'est un des grands changements de ces trente dernières années.»
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